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Fin de chantier

Table à carte de Pen-Duick VI, ça y est, lui et moi sommes de retour, clairement en route pour de nouvelles aventures !

Une fin de chantier dans la douleur, on ne va pas se mentir, mais nous y sommes arrivés, dans les temps, avec une mise à l’eau à l’image du chantier : sur le fil ! Jusqu’au dernier moment, le suspense fut à son comble, surtout lorsque le froid s’invita sans prévenir et que la peinture… ne prit pas.

Nous sommes tous au courant de l’état du monde et des pénuries qui nous touchent. Nous n’avons bien sûr pas été épargnés et n’avons pas pu rattraper les 3 semaines de retard dues aux difficultés d’approvisionnement de certains matériaux, et au manque de main d’œuvre ouvrière.

Qu’importe, le résultat est plus que satisfaisant. Même si j’ai toujours envie de faire mieux pour ce bateau, je me dis que j’ai encore quelques dizaines d’années devant moi pour continuer de le garder en état et l’améliorer, au fur et à mesure.

Nous avons surtout la chance d’avoir été entourés par de formidables personnes, travaillant dans le même sens à chaque étape du chantier, tous vraiment concernés par ce bateau.

Grâce au bon Fred Silberg aka Momo, l’intérieur du bateau est rutilant, toute la tuyauterie a été changée, la coque entièrement mise à nu par l’intérieur et l’aluminium inspecté, un gros morceau de l’intérieur fiabilisé, plein de petits détails faits à droite à gauche, le genre de petits détails, mais qui prennent du temps et qui nous changent la vie à bord. Momo fut épaulé par une partie des Volon’Terre, tous ultra motivés pour mieux connaitre ce qui sera leur future monture autour du monde.

Notre confort est important pour aborder ce tour du monde dans les meilleures conditions. Cela passe donc par un repos de qualité, et une bonne alimentation.
Pour le sommeil, c’est Solenne de la Sellerie du Phare qui nous a refait toutes les selleries du bateau, carré, toile anti-roulis ainsi que les 14 bannettes, housses et matelas. Un boulot monstre, fait en très peu de temps, sans besoin de reprise. Allez-y les yeux fermés, la jeune femme vient de s’installer dans son atelier de Loctudy, vous ne serez pas déçus !

Le poste de chef cuisinière est quasiment le poste le plus important à bord. Un équipage qui mange mal, c’est de la fatigue, une mauvaise ambiance, et une mutinerie assurée !
Alors Glénan Concept Car, spécialiste de l’aménagement de fourgon en camping-car m’a aidé à refaire l’agencement de la cuisine : nous avons baissé les poids, gagné en sécurité, et au passage, en esthétique ! Une belle cuisine au look plus moderne, un bonheur !

Un gros coup de main nous vient aussi de Watt and Sea, la boite d’hydrogénérateurs de Yannick Bestaven. À bord, je n’avais pour l’instant qu’un générateur, que nous avons surnommé Caliméro. Caliméro marche quand il veut, en fonction de la météo. Jamais content… La cause, Caliméro n’aime pas la gîte au-dessus de 20°. Le VI peut gîter à 40°, ce qui engendre des problèmes d’huile. Alors Caliméro est maintenant sur cardan, ce qui nous permet de le démarrer dans n’importe quelles conditions, – de lui dépend le dessanilisateur qui nous donne de l’eau potable – mais surtout nous avons fixé juste derrière la quille, un hydrogénérateur immergé 100% du temps. Il ne recharge pas les batteries, mais permet de les décharger 6 fois moins vite, et donc de préserver Caliméro. Mentalement, un gros stress en moins.


Enfin un énorme merci au chantier de Pors Moro, qui en l’absence de leur patron Arnaud Pennarun, parti courir le Rhum à bord de Pen-Duick III pour les enfants de l’hôpital Robert Debré, ont travaillé jours et nuits, semaines et week-end, pour rendre le bateau dans les temps. Tous les jours, une nouvelle galère apparaissait… mais tous les jours, ils étaient là, à trouver des solutions et à bosser. Vu les conditions, ce bateau est leur chef d’œuvre.

Rajoutez à la liste les soudeurs qui ont travaillé sur la coque et les espars, Iroise Gréement qui a changé tout le gréement dormant, les électriciens de Teem, etc etc… Un chantier de maxi, c’est quelque chose, mais de vieux maxi, c’est encore le level au-dessus.

Tout s’est passé tellement vite… Lors de cette dernière semaine de chantier, il y a eu tellement d’émotions en même temps, que ma tête ne savait plus du tout comment vivre le moment présent.

Un bateau au chantier, c’est un peu comme un cheval au box. On a beau savoir qu’un cheval est claustrophobe, c’est tellement agréable de le préparer dans un endroit abrité, où il n’y a que lui et nous, à l’abri des regards, de préparer toutes ses affaires très tôt le matin avant de l’embarquer dans le camion, en route pour de nouvelles aventures.
Un peu le même sentiment avec le VI, cette atmosphère cocooning que j’ai eu un peu de mal à quitter, aussi car c’est le seul moment de l’année où je peux voir le bateau de l’extérieur… A être dessus, je ne vois pas son étrave si expressive, et de le voir, nous toisant en Seigneur, si haut, si grand, si beau, je pouvais rester hypnotisée, scotchée à le regarder, admirative subjuguée, totalement amoureuse.

Mais si les chevaux sont claustrophobes, un bateau l’est tout autant, et il est temps pour nous de retourner nous défouler sur l’Atlantique.

Un gros programme s’annonce, que nous allons faire conjointement avec nos amis et concurrents sur l’OGR « l’Esprit d’Equipe ». Départ le 20 décembre pour Lanzarote, rejoindre le départ de la Transat du Rorc qui nous emmènera jusqu’à Grenade. Ensuite Nelson Cup et Caribbean 600 à Antigua, puis nous montons à New York et bien sûr Newport. Je ne crois pas que Pen-Duick VI soit retourné à Newport depuis sa victoire en 76, alors pour commencer son année anniversaire, quoi de mieux ?

L’idée derrière tout ça est bien sûr de faire engranger du mile à mes Volon’Terre, et de construire une équipe soudée. De repérer les affinités, les complémentarités entre chacun, faire un groupe qui aime passer du temps ensemble, de prendre de l’expérience, encore et encore, eux comme marins, moi comme capitaine.

J’avoue que les dernières semaines avant le départ, à la vue des températures négatives, le gel sur le pont et la situation météo sur l’Atlantique, je me suis pas mal demandé quelle c**** ie j’étais en train de faire. Première nav du bateau le vendredi, deux jours après sa mise à l’eau. Conditions idéales pour tendre le gréement, 15knt de vent, froid, mais navigation parfaite. Départ le 20 comme prévu pour traverser un Golf de Gascogne un peu velu, normal au mois de décembre. Le bateau répond présent, mais je choisis de nous arrêter une nuit à Gigon pour laisser passer un coup de vent qui annonce des rafales à 55kn au Cap Finistère, et surtout une mer casse bateau.

Noël approche, l’ambiance à bord est joyeuse, un peu décalée, nous avons le sentiment de vivre quelque chose d’unique, entre nous, notre nouvelle famille, tous heureux d’être là. Quelques guirlandes guinguettes pour décorer, et Estelle notre chef nous prépare un filet mignon de l’espace aux morilles. Les conditions sont bonnes, un peu sportives mais acceptables, de 15 à 20 nœuds. Pendant ce temps, je prépare un énorme assortiment de spécialités basques offert par le très bon Eric Ospital, (là encore si vous ne connaissez pas, faites quelques recherches sur le bonhomme, puis faites-vous plaisir chez lui !) et nous nous préparons à fêter Noël à notre façon.
Ça, c’était le plan.
Sauf que bien sûr, au moment de passer à table, le vent monte et on se prend une ligne de front sur la pomme, des grains, un vent à 30-35Kn, prise de ris, changement de Yankee, et c’est parti pour un long moment de manœuvres. Le bateau est sur la tranche, son étrave tape dans les vagues, du coup la sauce morille vole, et le dîner devient épique ! Alors c’est bien salé, et très très humide que nous avons attaqué les macarons offerts par la maison Dalloyau. C’était terriblement décalé, mais tellement bon !

Cap Finisterre Nord DST… On attaque la descente… la longue, longue descente. Dans la continuité de la Route du Rhum et des transats retours qui ont eu une météo sans aucun sens, la nôtre est donc innommable. Après quelques jours à se faire balayer par des fronts invisibles aux fichiers, nous sommes en descente pour Lanzarote, au près. Les vents sont de secteur Sud. Normalement en cette période de l’année, nous descendons au portant, dans du vent fort. Là, on a 10 parfois 15 kn souvent 7 kn, et du vent de face. Du coup nous tirons des bords, nos moyennes baissent, et les fichiers coïncident rarement avec la météo que nous avons en réel.
Après un réveillon de la St-Silvestre en mer, nous avons donc passé quelques jours à Lanzarote avant de prendre le départ de la Transat du Rorc, direction Grenade. Nous ne sommes malheureusement pas dans la même catégorie que nos copains de l’Esprit d’équipe qui eux courent en IRC1. Nous avons le plus petit rating des IRC 0, alors nous allons devoir perdre le moins de temps possible contre des bateaux full carbone et surentrainés comme Teasing Machine, Black Pearl ou Tulikettu.
Clairement Pen-Duick VI et l’esprit d’Equipe passent pour des Aliens au milieu de toute cette flotte !

L’équipage a un peu évolué pour correspondre au planning de chacun, alors c’est avec une parité parfaite, que nous traverserons l’Atlantique !

Comme d’habitude, nous faisons du mieux que nous pouvons avec notre « vieux » bateau, mais comme d’habitude, nous ne sommes jamais à l’abri d’une bonne nouvelle !

Ce soir, une nouvelle nuit en mer se profile…

Rdv de l’autre côté de l’Atlantique,

Marie & Pen-Duick VI