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Message du bord #17

N 45 20 490
W 10 59 519

Ne le dites à personne mais… nous sommes en train d’arriver à Lorient, où nous sommes même peut-être déjà arrivés suivant quand sera diffusé ce papier…
Ne le dites à personne car nous sommes en train de faire un convoyage express, Pen-Duick VI après avoir caboté pendant un mois et demi avait besoin de se dégourdir la quille et fait parler la poudre. Sauf si le vent refuse en arrivant, nous allons tout faire sur le même bord, tout en bâbord amure, et engranger les milles… Vous le savez, je ne suis pas très objective quand je parle de ce bateau, mais faut admettre qu’il n’y en a pas beaucoup des comme lui.
Nous avons une mer formée et un vent entre 20 et 30 knt par le travers. De quoi galoper entre 10 et 12 nds, avoir l’étrave qui fûme, le bateau qui saute de vague en vague. Tous les quarts sont magiques, c’est un peu la guerre entre nous pour prendre la barre car même si c’est humide, il est extra à barrer. Le laisser faire, mais en posant des limites : il est très réactif et on peut vraiment jouer avec les vagues, voire même être en conversation avec le bateau. Jusqu’au moment où un grain arrive, le vent monte, et là, il décide, aidé par sa carène toute ronde, d’être bien ardent et de lofer…. toi avec tes 70 ou 80 kg, et lui qui t’explique qu’il en fait 35 000… et dès qu’il abat, la vitesse monte, la banane aussi.
La bande son varie en fonction des gens, des humeurs et du moment de la journée, mais moi dans de l’air, j’aime avoir un bon Led Zep  » When the Levee Breaks » , « Null & Void » (le live!) de Détroit ou même « Let’s Wade in the Water » de Marlena Shaw.

La météo est en train de nous donner un retour rapide à la maison, mais pas sûre d’avoir vraiment envie de rentrer tout de suite, si vite… Cette navigation retour me sert aussi de sas de décompression avant le fameux saut, le moment où le marin devient schizophrène et passe du ciré au costard.

ll s’est passé tellement de choses, cette nouvelle étape d’Elemen’Terre fût si riche que je crois que mon cerveau a du mal à enregistrer tout ce qu’il vient de se passer.
Alors on profite de cette navigation, de chaque moment, de chaque maneouvre, car même s’il fait nuit, même s’il pleut, qu’il y ait trop ou pas assez de vent, on est sur l’eau, et heureux d’y être. Et puis c’est aussi le seul moment où nous sommes vraiment en train de vivre avec Pen-Duick VI, le seul moment où l’on peut le voir réellement s’exprimer. Il reste un bateau conçu pour le gros temps, alors dans l’instant, il se marre.
Ce moment est important pour nous, pour oublier le monde extérieur, et se recentrer sur le bateau, la nature et nous-mêmes. Pour profiter, pour penser, méditer, prendre du recul… Respirer. Dans cette société qui est en accélération permanente, nous oublions les moments pour débrancher, afin de se reconnecter, de se relier au vivant. 4 jours après notre départ, je croyais encore entendre mon portable sonner…

Alors ne le dites à personne car je n’avais pas prévu un retour aussi rapide, et Théo et moi ne sommes pas prêts. Lui peut-être plus que moi, probablement… mais j’ai été élevée pour tailler du mille. Un projet comme Elemen’Terre demande énormément de préparation, d’investissement moral et d’engagement. Nous sommes toutes les semaines à Paris pour trouver des partenaires, nous devons créer les escales, préparer le bateau, les invités, les scénarios, agrandir notre réseau de valeurs et d’experts. Le planning du mois de novembre est déjà bien rempli, et tant mieux mais nous sommes encore une petite structure, alors c’est bien sûr beaucoup de travail. J’ai pour habitude de dire que la chance, c’est les interêts du travail. Alors on aime ce travail, ce projet de Vie, on a envie de revoir nos proches et notre vie terrienne, mais s’il vous plaît, ne le dites à personne que nous sommes sur le point d’arriver, que nous puissions profiter de cette vie de Merrien encore quelques instants…

Marie