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Message du bord #9

Isafjordur

66°04,232’N

23°07,373’W

Bonjour à tous,

Depuis le début du mois, nous sommes au pays des Elfes, des Trolls et autres créatures magiques : l’Islande 🇮🇸.

Cette nouvelle étape marque aussi la fin de notre première séquence au Groenland 🇬🇱 , qui a permis au fil des épreuves, à l’équipage d’apprendre et de progresser. Savoir faire face aux difficultés est une réalité dans toute entreprise : le partager avec vous au moyen de ce papier – un brin long – est pour moi une marque d’authenticité, nécessaire à la pédagogie du voyage.

J’ai la chance de pouvoir compter sur une relation saine et transparente avec mes partenaires. Basée sur la confiance, elle m’offre la liberté de ne pas me censurer ni de me museler ; elle me permet de vous raconter mon voyage tel que je le vis bien que certains ont tenté de m’en dissuader. Oui, dans ce périple, il y a des moments de doutes, des difficultés et des montagnes à gravir. Nous le savions tous dès le départ, mener à bien un tel projet ne peut se faire sans accroc ni adversité. Mais je pense aussi que c’est ainsi que l’aventure devient belle !

Sur un bateau, les difficultés sont d’abord techniques, c’est le lot quotidien des marins. Flash-back fin du Groenland : sans le guideau que nous avions cassé, le passage Prince Christian n‘était plus envisageable. Nous ne pouvions plus mouiller et donc nous abriter car les quelques quais du passage ne sont pas suffisamment robustes pour amarrer solidement Pen-Duick VI en cas de fort coup de vent. La météo était aussi très changeante et nous avons pris la décision de partir par la pointe extérieure du Groenland.

L’appareillage a eu lieu un lundi soir pour être au petit matin devant le Cap Farwel, et ainsi traverser la zone de glace de jour. C’est donc en 3 jours et 4 nuits que le VI a rejoint l’Islande, catapulté vers Reykjavik grâce à une jolie dépression (environ 40/ 45kn) au portant et plusieurs pointes à 17, 19 et même plus de 20 kn !

Un bateau de course reste un bon bateau, même en retraite sportive !

Et à Reykjavik un beau guideau tout neuf nous attend : merci Spencer, merci Laurélène !

Pour comprendre son environnement et recréer les liens avec le monde qui nous entoure, il faut aussi savoir faire preuve d’agilité, de souplesse pour imaginer de nouvelles solutions. C’est dans l’épreuve que chaque protagoniste se dépasse et se sublime pour révéler sa véritable nature.

C’est ce qui s’est passé en arrivant à Nanortalik.

Après avoir vécu une belle transat, nous étions tous heureux d’arriver à bon port.

Le plan était clair : nous avions 10 jours pour repérer le terrain et faire la route pour Narsarsuaq plus au Nord, afin de récupérer notre premier ambassadeur, le peintre Jacques Godin et l’équipe de tournage.

Notre média man, Yohann Grignou,à bord depuis Lorient, avait la charge au sein de l’équipage, de se polariser sur le journal de bord vidéo, notamment pendant la traversée, à destination des réseaux sociaux. L’équipe de tournage quant à elle, devait réaliser le documentaire pour partager l’expérience de la 1ère étape.

Au lendemain de notre arrivée de transat, c’est la douche froide : la production, qui s’était pourtant engagée, ne peut plus prendre le risque d’assumer financièrement ce tournage.

Cette annonce a d’abord déstabilisé la savante alchimie qui est née entre nous, marins, artistes, sportifs : quel sens donner à notre expédition si nous ne pouvons pas partager ce que nous vivons ?

Heureusement, notre équipage originale était déjà bien soudée et l’échange, très libre entre nous, nous a permis de rapidement trouver une solution au pied levé pour remplacer l’équipe de production.

Afin que Yohann, (accompagné de son fidèle mal de mer !) puisse tourner le documentaire en solo, nous faisons le choix de mettre entre parenthèses les reports quotidiens ou hebdomadaires que nous avions l’habitude de diffuser, au profit de courts teasers.

En fonction de nos émotions du moment, nous définissons une thématique qui nous anime et qui fait écho au projet Elemen’Terre : les liens, le voyage, le risque, l’échec…et nous créons à chaud, sans autre préparation.

Bien évidemment, on tourne parfois en rond, on s’égare et nous produisons quelque chose qui nous ne ressemble pas. Mais nous poursuivons notre travail pour atteindre ce que nous recherchons et traduire l’essence même de ce que nous vivons au quotidien.

De temps en temps, le groupe me donne aussi 2/3 baffes parce que j’accumule trop de stress, trop de peur sur l’avenir et la réussite du projet et que je ne suis plus dans le moment présent. Pourtant, à quoi bon s’inquiéter alors que ça va à l’encontre du lâcher prise…et du message d’Elemen’Terre, celui de se reconnecter à ses natures, humaine et terrestre. C’est donc se reconnecter à ce que nous sommes, à nous même, à nous aimer, pour ce que nous sommes, avec nos qualités et nos défauts, et laisser les gens nous prendre pour ce que nous sommes.

En fait, je retiens de ces moments de davantage faire confiance à la Vie, et surtout de ne jamais lâcher, toujours travailler pour que ça marche !

Si je dois résumer en deux mots cette étape au Groenland, c’est la solidarité et la résilience de cet équipage. C’est la preuve que quelque chose est en train de se créer à bord et je suis heureuse de l’avoir vécu de la sorte.

A bord justement, la vie continue. Yohann de retour en France, c’est Martin Keruzoré qui prend la relève avec dans son sac, beaucoup de nouvelles idées. Si vous aimez la voile, vous avez déjà vu des vidéos de Martin : il a été un des média man embarqués de la dernière Volvo Ocean Race.

Leina Sato et Jean-marie Ghislain viennent eux aussi d’arriver à bord afin d’étudier la communication inter espèce hommes-cétacés. Ils sont venus accompagnés de leur fille Nay’a, 3 ans et demi, (c’est important le « et demi » !), alors ne vous étonnez pas de voir le petit bout d’humain sur les photos.

Le magicien du son et beatboxer Ezra est également avec nous, déjà en train d’inventer des sons, en tendant les slacks de Théo Sanson et accompagné par Nico au saxophone et Dan au piano.

Cette rencontre artistique improbable permet de confirmer ce que nous avons pu observer pendant la transat : les animaux marins notamment les dauphins et les baleines de Minke, adorent la musique ! 🐋+🐬+🎼=❤️

Leurs comportements changent systématiquement, ils sont curieux, manifestent de l’intérêt et restent plus longtemps que d’habitude.

Nous sommes actuellement pour quelques jours à Ísafjörður bloqués par une dépression avec des vents de 50knt dehors. Pas étonnant avec les quelques cyclones qui se baladant sur Terre en ce moment…

Heureusement ! Ezra, Dan, Nico et Théo ont trouvé une salle de concert et un piano à queue 🎹, et un spectacle tout nouveau sera proposé aux locaux ! Nous espérons pouvoir appareiller dès samedi matin et nous remettre à l’eau avec Leina rapidement.

Je suis impatiente de voir la suite, entre le travail de Leina et de Jean Marie, celui de Ezra, le tout accompagné par Dan et Nico, nos funambules-musiciens, et surtout comment leurs travaux pourront se croiser et se compléter. Sans oublier Yann Tiersen (official) et Emilie Tiersen qui nous arrivent vendredi !

Au gré des étapes, je suis fière qu’Elemen’Terre prenne tout son sens pour porter ce qui m’anime : observer, s’adapter, créer, témoigner, partager, diffuser.

C’est d’ailleurs comme ça que j’ai reçu le cadeau observé en mer, il y a quelques nuits de cela. J’étais à la barre de nuit, nous attaquions en changement de voile d’avant. Il y avait un peu d’air, 25, 29 knt de vent apparent…

Et dans le ciel, de l’étrave du bateau jusqu’au-dessus de ma tête, se dessine un grand trait blanc. Un trait qui s’intensifie, s’épaissit, et commence même à bouger…

Et en moins de 3 secondes, le ciel entier prend feu, devient vert, inondé par une aurore boréale, blanche, verte, rouge et qui danse, qui danse… Pendant des minutes qui me semblent éternelles, une joie, une joie très forte nous envahit, accompagnée d’un intense sentiment de gratitude envers notre planète. Merci Mère Nature.

Je n’ai pas eu le temps de réveiller ceux qui dorment, mais ils auront la vidéo… Et vous aussi dès demain !

Bonne nuit, bon quart à tous, merci pour votre confiance (et d’avoir lu jusqu’au bout !)

Marie.